Saint Gilles site sacré Essai de reconstitution d'un site "sacré"

SUR LE PORTAIL DE L'ABBATIALE

servanton-claude Par Le 12/06/2023 0

 

SUR LE PORTAIL DE L'ABBATIALE

 

« Un programme anti hérétique ? »

Situé dans une région exposée à divers courants hérétiques au 11ème siècle, l'abbaye Clunisienne de Saint Gilles ne pouvait rester indifférente aux problèmes doctrinaux qui agitaient alors le Languedoc, et dont le plus redoutable, avant le catharisme, semble avoir été celui que prônait la doctrine prêchée par Pierre de Bruys (Petrus Brusus). Parcourant le Languedoc et la Provence, ce prédicateur véhément, dont les positions dogmatiques avaient été condamnées par le concile de Toulouse en 1119, est surtout connu pour avoir invité ses disciples à détruire les croix, sacrilège inouie qui lui valut de périr promptement sur le bûcher, à Saint Gilles, en 1136. Mais l'hérésie persista après sa mort, et l'Eglise dût mobiliser contre elle tous les moyens : la prédication, l'enseignement et l'art. C'est ainsi que Pierre le Vénérable abbé de Cluny, écrivit en 1138 son traité « Contre les hérétiques Petrobrusiens », et que Bernard conduisit entre 1154 et 1147, à la demande du Pape, une campagne de prédications. Ans un tel climat de controverse religieuse, le programme iconographique de la façade de l'abbatiale apparaît à certains historiens d'art, comme manifeste d'orthodoxie face aux doctrines subversives propagées alors dans le midi par les disciples de l'hérésiarque que Pierre de Bruys rejetait les sacrements - en particulier l'Eucharistie – les prières pour les défunts, les aumônes et la vénération des reliques. Plus choquant encore pour la mentalité médiévales étaient étaient d'autres thèses, telles que lerefus de construire des églises « puisque l'on peut adorer Dieu aussi bien dans une étable ou une taverne » ; et surtout le refus de tout ce qui pouvait rappeler la passion et la mort ignominieuse du Christ en particulier la croix ! On mesure ce que de telles propositions pouvaient avoir de scandaleux et de blasphématoire pour les croyants, et d'inquiétant pour l'église.

Que les moines de Saint Gilles aient tenus à les combattre et à les effacer de l'esprit des fidèles par une iconographie triomphale exaltant la passion et la mort rédemptrice du Christ, cela n'est pas douteux. La sculpture des trois portails en acquiert une densité et une signification nouvelles, quand à l'abbatiale, plus vaste et plus magnifique qu'aucune autre dans la règion, elle était déjà une réfutation des thèses de l'hérétique touchant l'inutilité des sanctuaires.

Si l'on accepte cette hypothèse récemment défendue par M. Colish et W.Stoddart, le caractère exceptionnel et la nouveauté de l'iconographie s'éclairent. Les 12 Apôtres, témoins privilégiés de l'évangile, sont les gardiens privilégiés de l'orthodoxie et les colonnes vivantes de l'Eglise, les quatre archanges combattant le dragon en sont les défenseurs (allusion possible à une victoire sur l'hérésie). Quand aux trois tympans et à la frise narrative qui les relie, ils illustrent les trois moments capitaux de l'histoire du dogme chrétien : l'Incarnation ( à gauche), la Rédemption (au droite) et le retour glorieux (au centre).

 

- page 301 du livre « le Languedoc Roman » aux éditions du Zodiaque -

 

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